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La révolution sera financière, camarade européen (LFDE)

02/07/2025

Alexis Bienvenu, gérant chez La Financière de l’Échiquier (LFDE), revient sur la progression des valeurs bancaires de la zone euro.

 

Société Générale : +81% depuis le début de l’année[1] ! Et ce n’est qu’un exemple. Les banques de la zone dans leur ensemble réalisent un parcours impressionnant cette année : +43%, loin devant les stars de l’IA, dont les performances sont en comparaison pâles (Nvidia par exemple : +12% en dollar). Certaines éblouissent tout particulièrement : Unicredit, actuellement la deuxième banque cotée de la zone euro par sa capitalisation, s’envole ainsi de plus de 500% en trois ans !

L’explication ne réside pas dans l’activité économique de la zone euro, hélas déprimée. Au-delà de quelques trajectoires singulières, comme Unicredit justement, on peut rapporter ce phénomène à plusieurs raisons structurelles, qui permettent d’envisager cette tendance comme durable.

Premièrement, la courbe des taux s’est normalisée. Grâce à la baisse de l’inflation, puis des taux directeurs, elle a retrouvé une forme standard, où les taux à court terme sont nettement moins élevés qu’à long terme, alors que l’inverse prévalait en 2023 par exemple, lorsque le taux allemand à 2 ans s’est élevé à près de 80 points de base au-dessus du taux à 10 ans. Les banques, empruntant principalement à court terme pour prêter à long terme, ne pouvaient prospérer dans cet environnement. Cette période adverse est désormais terminée, et aucune vague inflationniste d’ampleur ne se dessine à l’horizon.

D’autres facteurs ont pu jouer dans la prospérité retrouvée des banques : davantage de commissions sur les transactions par exemple, ou des allègements réglementaires. De même que le rattrapage attendu de leur valorisation boursière, demeurée longtemps ridiculement faible.

Mais un autre mouvement agit sous la surface, plus puissant encore : la montée en puissance de la recherche de souveraineté européenne. Réagissant au morcellement accru du monde, délaissée par son allié occidental et pressurée dangereusement par son grand voisin oriental, l’Europe a pris conscience de la nécessité d’affirmer sa souveraineté en différents domaines : militaire bien sûr, mais aussi commercial et désormais financier. Dans cet esprit, la commission européenne travaille sur un ambitieux projet transformateur pour la finance européenne : la stratégie « Union pour l’Epargne et l’Investissement » (UEI), présentée en mars 2025.

Cette dimension de l’Union vise à créer un marché unique et efficace du financement de projets économiques au sein de l’Union européenne. Le constat de départ est que l’épargne de la zone euro est abondante mais sous-utilisée. Chaque année, 1.000 milliards d’euros sont épargnés, mais une grande partie fuit l’Europe pour être investie en particulier sur la dette américaine ou sur des actifs européens à faible risque, donc à faible rendement, et à faible valeur productive. Réorientés au moyen de dispositifs efficaces, des centaines de milliards d’euros par an pourraient être investis plus utilement pour la dynamique européenne, non seulement militaire, mais aussi écologique ou digitale.

Les chantiers sont nombreux. Ils prennent généralement comme point de comparaison les Etats-Unis, où les financements de projets sont plus aisés. Parmi les priorités figurent le développement de fonds de capital-risque transfrontaliers pour soutenir les entreprises innovantes au niveau pan-européen. Une autre concerne directement les banques et les marchés : il s’agit de soutenir le processus de ‘’titrisation’’ des prêts. Ce mécanisme consiste, pour une banque, à assembler une multitude de prêts en un seul véhicule, pour le revendre ensuite en différents lots à des investisseurs. Cela lui permet d’alléger son propre bilan, donc de libérer des capitaux pour procéder à d’autres prêts. Un tel fonctionnement, courant aux Etats-Unis, reste confidentiel en Europe, au détriment de sa capacité à soutenir l’innovation. D’autres projets plus originaux sont envisagés, telle que la création d’un marché unifié des taux souverains européens, et non plus seulement nationaux, qui pourrait accueillir une partie des capitaux aujourd’hui investis dans la dette américaine.

Ce projet d’Union ne constitue pas seulement une énième évolution réglementaire, mais une révolution idéologique. Les banques, et plus largement des marchés de capitaux, sont désormais vus comme d’authentiques outils de souveraineté, et non plus seulement de prospérité – l’une n’allant pas sans l’autre au demeurant. D’ici une décennie, l’Europe bancaire et boursière sera probablement bien plus solide, donc l’Europe plus autonome. Longue vie à la révolution financière européenne !

[1] Au 27 juin 2025



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