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Les structurés pour profiter de la baisse des taux

29/11/2023

Emmanuel Brandariz, Head of Financial Engineering Geneva chez Kepler Cheuvreux, présente des stratégies pour verrouiller les taux d’aujourd’hui et pour introduire un levier sur la duration.

Pour 2024, privilégiez-vous plutôt une stratégie obligataire axée sur la tendance des taux ou sur celle du crédit?

Comme l’indicateur de risque de défaut, l’indice iTraxx Main EUR, est assez bas (70 pb), nous nous concentrons sur les taux d’intérêt.

La Recherche du Groupe Kepler Cheuvreux s’attend à une baisse des taux d’intérêt en euros et en dollars. Le mouvement devrait survenir plutôt en milieu d’année 2024. Il est probable que la Banque centrale européenne (BCE) et la BNS baissent leurs taux directeurs avant la Fed.

Comment vous situez-vous par rapport au consensus?

Le consensus de marché est à l’heure actuelle un peu agressif. Selon nous, la BCE et la Fed devraient baisser leurs taux à deux reprises l’année prochaine, versus 3 baisses de 25 pb anticipées par les instruments de marché. La tendance baissière devrait se prolonger en 2025. L’impact ne se concentrera pas que sur les taux courts, mais le recul des taux longs devrait être plus modéré. C’est pourquoi la plupart des investisseurs jouent non seulement la baisse des taux mais aussi la pentification de la courbe (écart entre le taux à 10 ans et le taux à 2 ans).

«Cette stratégie peut être mise en oeuvre avec des produits à capital protégé à l’échéance, rappelable chaque année au gré de l’émetteur.»

Comment l’investisseur en produits structurés peut-il profiter de ce scénario?

La première stratégie possible consiste à verrouiller les taux d’aujourd’hui. Si ces derniers baissent, il est intéressant de les «locker».

Cette stratégie peut être mise en oeuvre avec des produits à capital protégé à l’échéance, rappelable chaque année au gré de l’émetteur. En plus de bloquer les taux, ces produits magnifient le rendement annuel grâce au mécanisme de rappel anticipé et au paiement des coupons au rappel ou à maturité. De plus en plus d’investisseurs se tournent aussi vers des certificats gérés activement (AMC) pour mettre en place des sélections obligataires à horizon fixe et bénéficier de l’environnement actuel.

Est-ce une solution très répandue actuellement?

Cette année a confirmé la tendance d’une demande grandissante des produits de taux. Durant la longue période de taux extrêmement bas, l’investisseur était davantage à la recherche de produits classiques distribuant du coupon avec un risque «actions».

D’une façon plus générale, après une demande longtemps biaisée sur les produits actions ou crédit, l’investissement fixed income dans l’univers des produits structurés est revenu à la mode dans les banques privées et de plus en plus chez les gérants. Nous assistons à un processus de rééquilibrage.

Quelle sélection obligataire visez-vous au seins des AMC?

Les AMC permettent d’offrir la diversification souhaitée au sein d’une même enveloppe. Le placement ressemble en quelque sorte à un fonds daté. On peut ainsi «locker» des niveaux de rendement intéressants basés sur les émissions sélectionnés, avec une échéance de 5 ans par exemple. A l’évidence, ce type de produits est relativement populaire.

Cette sélection d’obligations de maturités similaires s’appuie sur notre Recherche Crédit. Les portefeuilles d’obligations que nous proposons portent habituellement sur des valeurs européennes et, selon le profil du client, des titres de qualité au bénéfice d’une notation Investment Grade ou très proche.

A l’heure de fortes incertitudes sur la dette souveraine allemande, italienne, française et américaine, est-ce que votre stratégie résisterait à un choc sur le rating?

Comme nous jouons sur les taux plutôt que le crédit, nous allons plutôt sur les sous-jacents obligataires de qualité. En cas de mouvements sur les spreads de crédits, ils seront moins impactés que d’autres.

Implémenter sa stratégie à l’aide d’un AMC bénéficie d’un avantage de taille: rester flexible. Notre sélection de titres devrait bénéficier des paramètres actuels, mais si effectivement un événement devait conduire à un changement de paradigme, nous pourrions rapidement nous adapter. Avec un AMC, l’investisseur dispose d’un accompagnement du produit par des experts tout au long de la vie du produit.

A part l’intérêt de verrouiller le niveau des taux, comment bénéficier de la baisse des taux?

Nous pouvons par exemple utiliser un ETF, le TLT US, qui représente un portefeuille de Bons du Trésor américain d’une échéance supérieure à 20 ans. L’investisseur peut ici se positionner sur des produits offrant une indexation à un proxy d’obligations à très long terme tout en offrant protection du capital pour une maturité de 2 ans.

«Les AMC permettent d’offrir la diversification souhaitée au sein d’une même enveloppe».

Le produit permet de bénéficier d’un levier implicite via la duration. Si les taux baissent, le produit devrait s’apprécier. Grâce à cette protection à 2 ans, l’investisseur n’est pas «collé» 20 ans avec son produit en cas de scénario imprévu tel qu’une hausse des taux ou un choc sur le crédit américain. Dans le pire des cas, il récupère son notionnel de départ. Nous trouvons pertinente cette décorrélation entre le moteur de rendement (exposition 20 ans +) et le risque (protection capital à 2 ans).

La hausse des taux augmente-t-elle la popularité des certificats à capital protégé?

L’attrait des certificats à capital protégé à l’échéance s’est accru avec la hausse des taux, mais les exigences des investisseurs se sont aussi renforcées. En effet, ces produits offrent généralement un rendement lié à un sous-jacent et le capital est protégé selon une formule de remboursement. Mais ce type de produits implique l’abandon des coupons fixes que l’on aurait pu obtenir avec l’achat d’une simple obligation. Le coût d’opportunité pour l’investisseur devient donc une donnée importante dans les prises de décision.

Des produits plus agressifs sur la baisse des taux ne sont-ils pas adaptés?

Certains clients regardent des produits structurés plus agressifs pour bénéficier au maximum d’un scénario de baisse des taux. Je citerais les mini-futures ou les produits offrant levier important sur la formule de remboursement.

L’investisseur peut avoir des produits qui se positionnent sur des obligations à 40 ou 50 ans qui ont pu être émises en 2020 ou 2021 et munis de coupons très bas. Aujourd’hui, premier élément favorable, la décote de ces titres souverains est très forte. Il s’y ajoute qu’avec un mouvement de baisse sur les taux, le cours de ces obligations bondit d’autant plus que la duration est très longue. Enfin, il est possible d’y adjoindre encore un levier de 2 ou 3. Cette solution est toutefois adaptée à un investisseur capable de supporter un risque accru puisque ce levier s’applique aussi à la baisse.

Comment avez-vous traversé les six derniers mois, particulièrement volatiles?

La diversification a été un maître-mot de 2023. Nous nous sommes adaptés et avons intégré à nos réflexions le «traumatisme» de 2022 où allocations «actions» et obligataires ont souffert. Nous nous sommes adaptés en présentant des produits à capital protégé, qui ne sont ni corrélés aux actions ni aux obligations.

Quelle diversification proposez-vous par exemple?

Une des stratégies sur lesquelles nous avons travaillée propose une exposition neutre au marché (long/short) sur les matières premières. Cette solution offre un moteur de performance diversifiant et décorrélant avec un risque maitrisé puisque le capital est protégé à l’échéance.

Au vu des facteurs saisonniers, est-ce qu’il existe un moment particulièrement adapté pour investir dans les stratégies que vous avez présentées?

Cela dépend du type d’investissement. Nous conseillons toujours la diversification, aussi bien entre les classes d’actifs qu’en termes de points d’entrée. Pour combattre la saisonnalité, mieux vaut étaler ses investissements. Il existe parfois un alignement des paramètres fondamentaux et implicites qui justifie un engagement. Aujourd’hui, par exemple, la volatilité implicite est basse, et les forwards sont élevés avec les niveaux de taux actuels. La mise en place de produits de couverture «actions» est historiquement peu couteuse. Il pourrait donc être pertinent de mettre en place des stratégies de couverture aujourd’hui qui offriront une protection pour le premier trimestre 2024 à partir de la fin de l’année 2023.

Est-ce qu’il existe aussi une demande pour un scénario de Cassandre prévoyant une poursuite durable du marché baissier sur les obligations?

Ce scénario n’exprime pas le consensus. S’il existe des demandes sporadiques, elles signalent surtout un besoin de couverture et pas forcément une vision d’investissement.



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