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Flash spécial : Elections américaines (Edmond de Rothschild Asset Management)

06/11/2024

Hebdo

Michaël Nizard, Directeur des Gestions Multi-Asset & Overlay et Nabil Milali, Gérant Multi-Asset & Overlay

Bien que tous les Etats américains n’aient pas encore rendu leur verdict, les résultats à ce stade ne laissent guère de doute sur l’identité du 47ème président de l’Histoire des Etats-Unis qui sera bien D. Trump, comme l’ont d’ores et déjà annoncé plusieurs agences de presse américaines. Il dispose en effet de suffisamment d’avance dans les Etats clés pour s’assurer la majorité de 270 sièges au Collège électoral, fort de ses victoires décisives en Pennsylvanie, Géorgie et Caroline du Nord. D. Trump a notamment bénéficié de la crise de confiance des américains quant à la situation économique de leur pays, plus de 50% d’entre eux ayant indiqué qu’il s’agissait de leur principal sujet de préoccupation selon les sondages en sortie de bureaux de vote. 

Les républicains s’assurent de surcroît le contrôle du Sénat, ce qui facilitera la nomination des juges fédéraux et des responsables d’agences gouvernementales, y compris éventuellement celle du successeur de J. Powell à la tête de la Fed en 2026. En revanche, il est encore trop tôt pour identifier le parti vainqueur à la Chambre des Représentants, les candidats démocrates faisant preuve jusqu’ici d’une plus grande résilience par rapport aux scores de K. Harris dans leurs Etats respectifs. L’incertitude pourrait d’ailleurs durer plusieurs jours si la majorité doit être décidée par l’issue des élections à l’Ouest (Californie, Arizona) dans la mesure où certains Etats acceptent les bulletins de vote par correspondance qui arrivent jusqu’à 4 jours après l’élection. Les investisseurs risquent donc de rester dans l’attente de ces résultats avant d’accentuer leurs positions sur les marchés financiers compte tenu de l’importance cruciale de cet enjeu pour la mise en œuvre du programme de D. Trump. Le contrôle des deux Chambres du Congrès conditionne en effet l’avenir de sa réforme fiscale, laquelle doit abaisser le taux de l’impôt sur les sociétés de 21 à 15% et dont l’anticipation explique en grande partie la hausse des marchés d’actions américains aujourd’hui. D. Trump devrait toutefois a minima pérenniser au-delà de 2025 les réductions fiscales pour les ménages et les entreprises actées en 2017.

Deux scénarios restent donc sur la table à ce stade : 
1.    Une présidence et un Sénat républicain mais une Chambre des Représentants démocrate
2.    Un contrôle total des trois chambres par les républicains 

Dans le premier cas spécifique d’un Congrès divisé et en l’absence de réforme fiscale ambitieuse, les espoirs de soutien additionnel à l’économie américaine sur lequel table une partie des investisseurs risquent de s’estomper et freiner la dynamique haussière des marchés d’actions. Ceci sera d’autant plus marqué que D. Trump concentrera alors toute son attention sur les autres volets de son programme, lesquels risquent d’alimenter de nouvelles pressions inflationnistes accrues. 

De manière plus générale liée à la présidence de Trump, alors que l’inflation peine déjà à revenir à la cible de la Fed, celle-ci pourrait même réaccélérer. Si les investisseurs surveillent surtout le risque de tarifs douaniers, la mesure la plus inflationniste du programme de D. Trump réside plutôt dans sa volonté de retirer des millions de travailleurs immigrés du marché de l’emploi alors même que celui-ci est déjà sous tension. Le ratio « nombre de postes ouverts / personnes au chômage » est en effet toujours supérieur à 1 et risque de repartir à la hausse dans le cas où cette politique serait mise en œuvre, ce qui contribuera à entretenir les hausses de salaires et donc celle de l’inflation sous-jacente. La guerre commerciale voulue par D. Trump, contre la Chine (60% de taxes sur tous ses produits) mais aussi contre le reste du monde (taxe universelle de 10% sur tous les produits) est également de nature à alimenter une nouvelle vague inflationniste. Rappelons qu’historiquement les tarifs douaniers se traduisent toujours par des hausses de prix sur les produits concernés, y compris lors de l’épisode 2018-2019, à la différence près que l’économie américaine affiche aujourd’hui une capacité bien supérieure à générer de l’inflation. 

Tous ces éléments risquent donc de remettre en question le succès de la Fed dans la maitrise de celle-ci et pourraient la conduire à ralentir son assouplissement monétaire en cours. La banque centrale américaine ne tiendra sans doute pas compte des enjeux politiques à sa réunion du 7 novembre, préférant attendre d’y voir plus clair sur les priorités économiques du gagnant, et procédera donc bien à une baisse de 25 pb de son taux directeur. Néanmoins, à mesure que l’impact inflationniste du programme Trump se confirmera, elle pourrait renoncer partiellement à l’enveloppe de baisse de 100 pb qui étaient anticipées dans le dernier rapport de la FED.  Il faudra cependant rester attentif au risque sur l’indépendance de la Fed compte tenu de la volonté affichée par D. Trump de s’immiscer dans les prises de décision de l’institution, bien qu’il lui sera difficile de remettre en cause la présidence de J. Powell avant la fin de son mandat en 2026. 

Cet ajustement significatif de la politique monétaire de la Fed n’était que partiellement anticipé par les marchés financiers et son intégration continuera d’alimenter de la volatilité sur les taux souverains aussi bien à travers la composante inflation que celle des taux réels. Si les marchés d’actions américains pourront compter sur les effets positifs de la réforme fiscale sur les résultats pour continuer à progresser dans le cas d’un Congrès Républicain –au moins à court terme-, l’impact sera plus ambigu en cas de partage du pouvoir. Le reste des actions internationales risque en revanche de rester sous pression dans les deux cas, notamment celles en Europe face au risque de barrières tarifaires. Le spectre de la guerre commerciale devrait en revanche soutenir le dollar face à toutes devises, tout comme le repricing de la Fed. Nous réduisons ainsi nos investissements sur la zone global EM tout en conservant une vue plus constructive sur la Chine où la coordination d’une stimulation budgétaire, fiscale et monétaire peut soutenir cette zone. Nous conservons par ailleurs une approche neutre sur les marchés actions, dans une période marquée par davantage de volatilité sur les taux et la géopolitique. Enfin, la tendance baissière du pétrole devrait s’accélérer, fragilisé par la détermination du nouveau président américain à faire croître la production de pétrole aux Etats-Unis. L’impact ne sera pas direct dans la mesure où les producteurs américains restent surtout guidés par leur objectif de générer un meilleur rendement pour les actionnaires mais la suppression de normes environnementales et les autorisations à forer sur des terres fédérales devraient avoir un effet marginal à la hausse sur la production. Ceci pourrait d’autant plus précipiter la chute du baril de pétrole que l’OPEP pourrait choisir de riposter par une guerre des volumes pour éviter de perdre des parts de marché additionnelles.

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