Luca de Meo, Directeur Général de Renault Group depuis juillet 2020 et nommé Président de l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA) en janvier 2023, est intervenu dans le cadre de notre conférence annuelle, le 20 juin dernier. Il a livré son regard sur les défis que doit relever l’industrie automobile et partagé la recette du succès de Renault Group. Le titre du constructeur automobile s’affiche en hausse de plus de 35% depuis le début de l’année tandis que le CAC 40 a pratiquement effacé tous ses gains.
Depuis son arrivée à la tête du groupe quatre ans plus tôt, Luca de Meo a conduit une politique de transformation en profondeur de la société qui a d’ores et déjà commencé à porter ses fruits. Ainsi, Renault Group enregistrait une perte historique de 8 Mds € en 2020, contre un résultat net de 2,3 Mds € l’année dernière. Signe de la confiance des actionnaires, Luca de Meo vient d’être reconduit à la tête du constructeur automobile pour une durée de 4 ans, jusqu’en mai 2028.
Sycomore AM : Quel diagnostic avez-vous posé à votre arrivée à la tête de Renault Group et quels traitements lui avez-vous administré ?
Luca de Meo : Avant 2020, Renault Group a vécu des moments difficiles. La société sortait d’une crise majeure. J’ai commencé par me concentrer sur le produit, pour le remettre au cœur de l’entreprise, en la réorientant aussi vers la valeur plutôt que sur le volume.
J’ai en outre défini un plan de restructuration prévoyant notamment une baisse de 25 à 30% des coûts fixes et une diminution du point mort de 50% en à peine 18 mois.
En parallèle, j’ai mis en place une nouvelle organisation pour adapter l’entreprise à un terrain de jeu qui s’est métamorphosé. Cette nouvelle organisation repose sur la répartition de nos activités en 5 entités distinctes : Ampere, la filiale 100% électrique, Alpine dans le sport automobile, Power qui regroupe les véhicules thermiques de Renault, Dacia et les utilitaires, Mobilize qui vise à répondre aux nouveaux défis de la mobilité ainsi que The Future Is NEUTRAL sur la thématique de l’économie circulaire.
D’autre part, le planning de lancement des produits a été revu pour bâtir une gamme plus étendue incluant l’ensemble des marques du groupe (Renault, Dacia et Alpine). Nous capitaliserons sur ces nouveaux véhicules pour créer de la valeur au cours des prochaines années et faire de Renault Group un acteur anticyclique. Quatre ans de travail auront été nécessaires pour assainir la société, développer les bons produits, remettre la technologie et l’ingénierie au cœur de nos priorités.
Un constructeur automobile, c’est avant tout une entreprise technologique qui contribue à la marche du progrès. Rappelons qu’un tiers du budget de R&D en Europe émane des constructeurs automobiles et de leurs fournisseurs. En tant qu’industrie sophistiquée, notre approche doit s’apparenter à celle de l’aérospatiale qui place la fiabilité des technologies utilisées au centre de ses préoccupations. Le tout à une échelle qui rend cette industrie unique.
Sycomore AM : Comment avez-vous réussi à faire évoluer la culture d’entreprise en l’espace de 4 ans seulement ?
Luca de Meo : Dès mon arrivée, j’ai souhaité instaurer un climat de transparence et de confiance. Dans la phase d’élaboration du plan baptisé « Renaulution » présenté en janvier
2021, j’ai voulu associer les salariés, afin qu’ils puissent plus facilement s’approprier cette feuille de route particulièrement ambitieuse. Toutefois, définir une stratégie ne suffit pas.
Je me suis également entouré de collaborateurs de talent capables de travailler en équipe, tout en faisant preuve d’une grande autonomie. Chacune des 5 entités du Groupe a ses propres objectifs, favorisant une organisation plus proche du terrain. En parallèle, j’ai reconnecté l’entreprise de l’amont à l’aval grâce à la donnée.
Sycomore AM : Où en êtes-vous de l’exécution du plan stratégique Renaulution ? Pouvez-vous nous détailler les prochaines étapes ?
Luca de Meo : Nous sommes en avance sur nos objectifs initiaux, avec une profitabilité restaurée dès 2021 et la mise en place de la réorganisation par marque. En novembre 2022, nous avons ouvert le troisième chapitre de ce plan, baptisé « Révolution ». Nous devrions l’achever d’ici 12 à 18 mois alors que nous nous étions fixé un horizon à 2030.
Au cours des prochaines années, nous souhaitons continuer à développer notre approche collaborative et construire un écosystème de partenaires pour accélérer la croissance du groupe. Il existe de nombreuses opportunités sur certains segments de la chaîne de valeur (énergie, infrastructure, hydrogène, software, ...), affichant une croissance à deux chiffres.
Nous avons pour ambition de nous diversifier à la périphérie de nos activités afin de renforcer notre cœur de métier. Par exemple, produire et vendre de l’énergie verte à prix accessible permet de vendre davantage de véhicules électriques.
Sycomore AM : Renault Group a-t-il la taille critique pour réaliser les investissements nécessaires dans les technologies d’avenir telles que l’électrique ?
Luca de Meo : Assurer la pérennité de notre industrie nécessite des investissements lourds mais la demande reste volatile et les technologies sont évolutives. Dans ce contexte, il est préférable de façonner un modèle d’entreprise agile, orienté vers l’innovation, et de se poser les bonnes questions avant d’investir massivement.
A ce titre, la qualité de l’allocation du capital est primordiale. Allouer des milliards d’euros au développement de technologies dont on ne connaît pas l’avenir me paraît plutôt risqué.
Sycomore AM : Quels sont selon vous les défis à relever pour l’industrie automobile ? Quel rôle peut jouer la sphère politique ?
Luca de Meo : Nous devons faire face à un renforcement de la concurrence chinoise qui ne fera que s’amplifier au cours des prochaines années. Il faut s’y préparer. Pékin déploie des mesures de soutien en faveur de son industrie automobile et corrige le tir au fil de l’eau si besoin, avec pour objectif d’en faire un levier de conquête économique.
Plutôt que d’empiler les réglementations, l’Europe devrait plutôt s’atteler à bâtir une stratégie industrielle crédible, laissant la part belle au secteur automobile qui pèse presque 10% du PIB de l’UE et emploie 13 millions d’Européens. Le Vieux Continent entend interdire la vente de voitures neuves thermiques dès 2035.
Nous nous y préparons donc mais une montée en puissance par palier, accompagnée d’une mise en circulation de véhicules hybrides ou roulant avec du carburant renouvelable de plus en plus nombreux, aurait été davantage souhaitable. Bien évidemment, Renault Group accélère sa fabrication de voitures électriques, véritable relais de croissance. Nous ne devons pas laisser les Chinois prendre trop d’avance en la matière et avons un rôle clé à jouer dans la lutte contre le changement climatique.
Sycomore AM : A ce propos, parlez-nous de l’intégration des enjeux ESG par Renault Group.
Luca de Meo : Nous portons une attention toute particulière à 3 points essentiels que sont la sécurité de nos clients et nos employés, l’inclusion et la transformation des compétences et enfin l’environnement avec les enjeux de décarbonation et d’économie circulaire. Notre maître-mot, c’est le pragmatisme. L’intégration de critères extra-financiers va de pair avec un objectif de générer un impact positif sur la performance financière de l’entreprise.
L’industrie automobile réfléchit à des solutions pour démocratiser les véhicules électriques mais nous sommes encore dans le temps de l’innovation qui coûte cher, incompatible avec le low cost. Les prix diminueront petit à petit, comme pour tous les produits de haute technologie, tels que les smartphones.
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