Retrouvez la note de conjoncture rédigée par Olivier EGLEM, directeur du département Fonds & Investissements de PAREF Gestion.
Depuis 2022, l’économie allemande traverse une période complexe, marquée par une légère récession et des défis structurels. Malgré ces obstacles, le pays a démontré une certaine résilience, notamment sur son marché immobilier avec un regain d’activité dès l’année 2024. Cet article explore la solidité de la première économie de l'Union européenne, les atouts qui pourraient favoriser une reprise de la croissance et l'adaptation rapide de son marché immobilier face aux nouvelles réalités économiques.
La première économie d’Europe est toujours debout
Une légère contraction économique…
En 2024, l'Allemagne a enregistré une contraction de son produit intérieur brut (PIB) de 0,2 %, confirmant une tendance à la baisse amorcée l'année précédente. Cette récession s'explique par plusieurs facteurs, notamment une diminution des exportations due à une demande internationale affaiblie, une inflation énergétique importante et la hausse des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne. Le secteur manufacturier, pilier de l'économie allemande, a été particulièrement touché. Parallèlement, les investissements des entreprises ont chuté de 2,7 % au quatrième trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023, reflétant une prudence accrue des face à l'incertitude économique.
…Qui ne change pas son statut de première économie européenne et de troisième mondiale
Malgré cela, il convient de rappeler l’importance du pays dans le paysage économique européen, et mondial. Le Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Allemagne en2024 est de 4 305 milliards d’euros. Cela en fait de loin la première économie européenne suivi par la France avec 2 921 milliards d’euros, soit une avance de près de 48%. Cela place aussi l’Allemagne au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis et la Chine, des pays bénéficiant de marchés intérieurs bien plus vastes, avec respectivement 345 millions et 1,4 milliards d’habitants contre 84 millions outre-Rhin. En outre, la balance commerciale du pays est largement bénéficiaire, avec un excédent de près de 238 milliards d’euros soit un taux de couverture de 118%. Cette compétitivité économique exceptionnelle est portée par les Services mais aussi, fait plus rare dans les pays occidentaux, par une industrie manufacturière contribuant à près de 30% au PIB contre 23% en moyenne dans l’Union Européenne. Malgré la récession, le taux de chômage est resté relativement stable en 2024, à 3,5%, un record en Europe, témoignant de la solidité des structures d'emploi en Allemagne. Cette stabilité a contribué à soutenir la consommation des ménages, évitant une détérioration plus marquée de l'économie.
De plus, l'inflation a nettement ralenti cette année, passant de 6,9% en 2022 à 2,2% au 31 décembre 2024. Cette tendance a permis d'améliorer le pouvoir d'achat pour les ménages et de réduire les coûts pour les entreprises, créant ainsi un environnement plus favorable à la reprise économique. L’Allemagne bénéficie par ailleurs du quatrième indice de pouvoir d’achat le plus élevé en Europe, avec un Standard de Pouvoir d’Achat de 28.500 SPA, derrière le Luxembourg (34.000 SPA), l’Autriche (28.800 SPA) et les Pays-Bas (28.700 SPA), des pays bien moins peuplés.
Le pays possède les atouts nécessaires à la reprise d'une croissance pérenne
Un horizon dynamique, entre plan d’investissement colossal et assouplissement budgétaire
Malgré les défis actuels, l'Allemagne dispose donc de plusieurs atouts susceptibles de favoriser une relance pérenne, tant sur le plan du marché intérieur que du commerce extérieur. Le marché du travail est stable, le tissu économique très diversifié et sur des industries à forte valeur ajouté. Les perspectives d’inflation à court moyen terme sont maîtrisées tandis qu’au niveau politique, le contexte international semble pousser les élus à la rechercher de consensus qui doivent permettre au pays d’engager des réformes structurelles. Ainsi, à la suite des élections fédérales au mois de février, le Bundestag a voté massivement en faveur du plan d'investissement du futur chancelier, Freidrich Merz, leader du parti conservateur arrivé en tête du scrutin. Il vise principalement à moderniser les infrastructures, accélérer l’autonomisation énergétique du pays et renforcer la Défense. Pour se faire, l’Allemagne est en voie d’assouplir sa politique budgétaire et devrait investir 1 000 à 1 500 milliards d’euros sur la prochaine décennie. Ce plan d’une envergure exceptionnelle devrait stimuler l’économie, dans un monde où les tensions géopolitiques augmentent et où l’Europe souhaite renforcer son indépendance technologique, énergétique et militaire ainsi que nouer de nouveaux partenariats commerciaux. L’Allemagne estau cœur de cette stratégie.
Un net regain d’activité sur le premier marché immobilier de l’U.E
Le premier marché immobilier de l’Union européenne, de loin
Le marché immobilier allemand se distingue toujours comme le plus important de l'Union européenne en raison de plusieurs facteurs clés, comme la robustesse de son cadre économique, la diversité de ses segments immobiliers, sa position géographique stratégique et la confiance qu'il inspire aux investisseurs internationaux. A titre de comparaison, l’Allemagne a enregistré 34,3 milliards d’euros de transaction en 2024, contre 18,1 milliards pour la France, et 14,0 milliards d’euros pour l’Espagne. En effet, l’économie allemande est très diversifiée, caractérisée par une industrie manufacturière puissante, un secteur technologique en plein essor et une main-d’œuvre hautement qualifiée. Ce tissu économique génère une demande constante de surface. Ainsi, le marché immobilier allemand englobe une grande variété de segments résilients, qu’il s’agisse de Bureaux, de Logistique, de Commerce ou d’immeubles résidentiels. Cette diversification permet au marché de mieux résister aux fluctuations économiques.
Une nette reprise des investissements immobiliers
Ainsi, malgré une conjoncture morose, le marché immobilier allemand a fait preuve d'une certaine capacité de relance. La hausse des volumes échangés en 2024 est de +21% par rapport à l'année précédente, boostés par un quatrième trimestre en forte augmentation, alors que la France recule sur l'année de -2%, tandis que l’Espagne s’accroît de +20% mais sur une concentration de segments plus polarisée. Cette progression témoigne de la confiance renouvelée des investisseurs, tant nationaux qu'internationaux, envers le marché allemand. Et de la capacité du marché à suivre les évolutions du contexte économique. En effet, au fil de la baisse des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne, les investisseurs se sont d’avantage engagés. Toutes les catégories d'actifs ont bénéficié de cette dynamique, à l’exception d’un léger recul dans l’Hôtellerie. Le secteur Résidentiel a enregistré un volume d'investissement de 8,7 milliards d'euros, tandis que la Logistique et le Commerce ont attiré respectivement 7,7 milliards et 6,1 milliards d'euros. Notamment, le segment du commerce de détail a connu une augmentation de +28% des volumes investis, avec une attention particulière portée aux commerces de centre-ville.
Ajustement puis stabilisation des rendements
D’autre part la stabilisation des taux souligne la capacité du marché à se réguler. En effet, après une année 2023 marquée par une décompression nette et progressive, la plupart des taux de rendement « primes » se sont ajustés de manière plus modérée en 2024. La variation annuelle moyenne dans les 7 plus grandes villes d’Allemagne est de -15 points de base dans le Résidentiel (3,56% au T4), de +7 points de base dans le Bureau (4,36% au T4) et stable pour les Retail Parks. Cette capacité d’ajustement plus rapide que dans d'autres pays européens est un atout, et participe à faire de l’Allemagne un marché toujours aussi attractif pour les investisseurs étrangers, dont la part dans le volume de transaction est proche des 40% en 2024. Tous les profils sont représentés, notamment les gestionnaires d’actifs. Cette attractivité s'explique aussi par la transparence du marché allemand, la solidité de son cadre juridique et la diversité des profils de biens en typologie comme en niveau de risque. Ainsi, bien que l'économie allemande ait traversé une période difficile sur les deux dernières années, sa place dans l’économie européenne et mondiale demeure importante tandis que son influence politique devrait s’accroître au gré du sursaut de l’Europe en matière de Défense. Les mesures prises pour renforcer les investissements seront déterminantes pour assurer une croissance durable dans les années à venir. Dans cette perspective, le marché immobilier allemand devrait directement bénéficier de ces avancées. Les mesures protectionnistes récemment mises en place par les Etats-Unis devraient à nouveau mettre à mal le Commerce international à court terme, et la prudence reste donc de mise, mais l’Allemagne regarde vers l’avant et semble décidée à tirer profit du contexte pour se réinventer. Demain, l’Allemagne sera-t-elle donc plus forte et leader de l’Europe ? Nous continuerons à suivre ces évolutions économiques, politiques et immobilières. Rendez-vous au prochain trimestre.