Est-il vraiment nécessaire d'écrire une lettre mensuelle ce mois-ci ? Les indices actions affichent une performance étale sur le mois, et le constat est le même pour les principaux indices obligataires, en dépit d'une volatilité toujours forte. Au-delà des actifs financiers, les incertitudes et les risques semblent toujours les mêmes : quel sera l'impact de la crise bancaire actuelle sur le crédit ? Quelle sera l'ampleur du ralentissement macro-économique causé par le resserrement monétaire des banques centrales ? Les craintes de récession sont-elles réellement fondées alors que les prévisions de croissance ont été revues significativement à la hausse au cours des trois derniers mois ?
Le mois écoulé a tout de même permis d’avoir quelques informations supplémentaires quant à la dynamique des prochains mois et certaines des questions posées ci-dessus :
Les craintes macro-économiques reculent aussi bien dans les économies développées que dans les économies émergentes, avec des PMI mondiaux à 53,4 et presque aucune zone en deçà des 50. Les secteurs des services tirent la croissance vers le haut grâce à une forte demande, en particulier dans l'industrie du tourisme. L’épargne excédentaire liée aux plans de relance massifs mis en place au cours des dernières années explique cette forte résilience en dépit d’une inflation salariale réelle négative dans la plupart des zones développées.
A horizon quelques mois, la baisse de l’inflation américaine va permettre à l’inflation salariale réelle de repasser en territoire positif, ce qui devrait permettre à la consommation de tenir outre atlantique. Nous en avons d’ailleurs eu confirmation dans les chiffres du PIB parus fin avril. De la même façon, la réouverture chinoise permet à l’épargne excédentaire chinoise de jouer positivement sur la croissance des services. Les secteurs des services représentant environ 70% de la croissance des économies développées, il est difficile d’imaginer une récession à court terme, surtout avec des marchés de l’emploi toujours aussi bien orientés comme on a pu le constater dans les derniers chiffres parus en zone euro (taux de chômage au plus bas, taux d’emploi qui progresse, etc..).
Si les dernières semaines n’ont que peu fait évoluer les prix des principaux actifs financiers, il faut toutefois noter la forte baisse du prix des matières premières en général et du pétrole en particulier. Faiblesse de la demande chinoise, augmentation de la production US et production de pétrole russe en augmentation en dépit des coupes décidées par l’OPEP+, nous semblent être les raisons principales de la faiblesse du prix du baril, mais la faiblesse généralisée des matières premières est aussi un marqueur d’une économie en ralentissement. La faiblesse relative du secteur manufacturier va d’ailleurs dans ce sens. Quoi qu’il en soit, ces baisses sont les bienvenues pour la croissance des économies importatrices en premier rang desquelles la zone européenne et c’est aussi une bonne nouvelle pour la trajectoire de l’inflation.
Inflation, crise bancaire : des défis persistants pour les économies
Les chiffres d’inflation parus en avril n’ont d’ailleurs apporté que peu de nouvelles informations aux Etats-Unis et en Europe. Si l’inflation baisse de manière importante en raison d’effets de bases très négatifs sur la composante énergie, l’inflation core a, quant à elle, du mal à baisser en Europe et reste aussi très élevée dans les services aux Etats-Unis. Notre constat est aujourd’hui le même que celui des mois précédents : la situation est plus lisible aux Etats-Unis avec un rythme d’inflation core hors composante immobilier qui ralentit et qui n’est plus très loin des objectifs de la Fed alors que l’inflation core européenne reste globalement problématique. Les pressions salariales en Europe sont réelles comme en atteste les négociations des salariés du public en Allemagne avec des hausses de salaires négociées équivalant à 5% par an pendant 2 ans.
Enfin la crise bancaire que tout le monde décrit comme terminée à chaque nouvelle faillite ne semble pas vouloir s’arrêter. First Republic a été le dernier acteur à subir des pressions du marché et à devoir être adosser à un acteur plus solide et il est probable à l’heure où nous écrivons ces lignes que Pacwest la rejoigne dans les jours à venir. De manière générale, les pressions sur les prix des actions des banques régionales américaines persistent, et il est difficile d'imaginer qu'elles disparaîtront, toutes choses égales par ailleurs, étant donné que chaque nouvelle résolution protège les déposants et les porteurs de dettes seniors, mais réduit à néant la valeur des actions.
Même si la croissance économique tient, ça ne veut pas forcément dire que tout va pour le mieux pour les actifs financiers. Nous conservons un biais très prudent en général avec toujours la même logique : nous sommes en fin de cycle, les conditions financières sont restrictives et les banques centrales ne seront pas aussi généreuses qu'auparavant étant donné une inflation toujours trop forte. Tout cela joue négativement sur la distribution de crédit (cf le « banklending Survey » publié par la BCE) et augmente la probabilité d’accidents dans les mois qui viennent.
Perspectives pour le mois de mai :
- Actions : Toujours un message de prudence avec des prévisions de bénéfice qui ne sont pas en accord avec une croissance au mieux faible dans les mois qui viennent. La concentration de certains indices est aussi historiquement un motif d'inquiétude.
- Crédit : Les spreads de crédit ne semblent toujours pas refléter le risque de voir l'activité de crédit continuer à se durcir de manière significative. Prudence sur les segments les moins bien notés.
- Taux : Toujours une vision positive sur les taux US (nominaux et réels), avec une inflation qui semble bien orientée. Vision plus neutre sur les taux euro à court terme. Certains taux réels émergents (Latam) nous semblent intéressants.
Les risques à moyen terme nous semblent toujours significatifs et ce même si la croissance continue à rester résiliente. Le risque sur les marges nous semble important et la contraction du crédit toujours en cours; nous sommes en fin de cycle, le risque d'accident financier est toujours présent et les conséquences de la crise bancaire encore floues. Autant de raison de maintenir notre vision très prudente en général.
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Par François Rimeu, Stratégiste LFAM