S'inscrire à la Newsletter

Ciao Francia : l'Italie devient meilleure élève que la France... (Amplegest)

16/06/2025

Retrouvez l'analyse complète de Matthieu Bailly, responsable Gestion Obligataire - Gamme Octo, chez Amplegest.

Les semaines se suivent et se ressemblent, relativement monotones, sur le front obligataire : les primes de crédit stagnent sur leurs plus bas, les courbes tendent à se repentifier, les taux souverains cristallisent les incertitudes mais ne s’écartent pas encore vraiment et les investisseurs campent sur leurs positions accumulées au cours des mois passés, les arbitrages entre catégories obligataires pour quelques points de base ne valant pas vraiment la peine…

Difficile donc de vous proposer chaque semaine de nouvelles opportunités obligataires mais ce sont plutôt toujours les mêmes petits signaux qui, s’ils ne provoquent ni remous ni émotion particulière des investisseurs, s’accumulent progressivement et auront à long terme un impact significatif : sur les primes relatives entre émetteurs dans un premier temps, sur le risque systémique dans un second temps, car le sujet des taux et du risque souverain prendra de l’ampleur, et in fine, sur un possible nouveau Quantitative Easing de la BCE et/ou de la FED.
Cette semaine nous noterons quatre actualités parallèles récentes, signaux d’une une tendance qui nous semble majeure sur la dette souveraine européenne : La qualité de crédit de l’Italie sera bientôt meilleure que celle de la France, faisant de cette dernière le pays le plus risqué de l’Eurozone.

Depuis une quinzaine d’années, les chantres de la « qualité de crédit française » avaient toujours trouvé des exemples d’autres pays européens, soit plus endettés, soit aux budgets plus déficitaires, soit aux économies plus dépendantes à ceci ou cela, soit aux systèmes politiques plus instables, soit à la corruption plus importante, soit, soit, soit… Tantôt c’était la Grèce, tantôt c’était l’ensemble des périphériques, tantôt le Portugal, et très souvent c’était l’Italie, qui, il y a encore quelques années restait le mauvais élève de la Zone Euro, celui qui assurait à la France de rester dans le peloton… Peloton de cancres, certes, mais peloton peu différencié, que la BCE tenait à bout de bras grâce à ses liquidités.

Depuis quelques mois et les efforts importants de l’Italie en termes budgétaires et économiques, le mauvais élève semble avoir lui aussi, comme le Portugal, l’Irlande et l’Espagne en leur temps, retrouvé une trajectoire budgétaire plus saine et pourrait, comme ses pairs, entamer une amélioration de ses finances publiques, tandis que la France, elle, semble avoir perdu tout contrôle.

Pour se désendetter, un pays ayant connu une passade difficile connaît généralement deux étapes préliminaires, l’Italie vient de franchir la première : le solde budgétaire primaire positif.

Un budget d’Etat se compose de deux parties : les dépenses pour les services publics et les intérêts d’emprunts ou « charges de la dette ».
Le solde primaire exclut les charges de la dette et permet de déterminer si la partie « opérationnelle » d’un Etat est à l’équilibre ou non, c’est-à-dire si, en dehors des intérêts d’une dette contractée dans le passé pour résoudre des problèmes passés, un Etat est à l’équilibre dans sa gestion du présent. Ce solde primaire positif est capital dans l’analyse crédit fondamentale d’un pays car il offre deux outils possibles de désendettement :

  • Le premier est progressif et classique : la banque centrale en baissant ses taux pour accompagner la tendance, peut permettre aux intérêts de chuter progressivement, créant une spirale vertueuse d’amélioration du crédit et donc de réduction des spreads et du taux d’emprunt, et rendant in fine assez simplement le solde budgétaire positif, ce qui aboutit au désendettement. A l’inverse, une baisse des taux dans un pays qui a, de toutes façons, besoin d’emprunter pour son train de vie, ne servira au mieux à rien et pourra même être un pousse-au-crime pour certains gouvernements y voyant de l’argent gratuit…
  • Le second n’est pas utilisé car il est violent mais il est un atout considérable dans la main d’un Etat au solde primaire positif dans son rapport avec les créanciers : l’effacement de la dette ! Mais pourquoi un Etat serait assez fou pour effrayer à ce point les marchés ? Me direz-vous… Tout simplement parce qu’il n’en a plus besoin. Pour simplifier cette notion prenons deux exemples :
    • Un Etat A souffre d’un solde budgétaire primaire négatif et d’un stock de dette insurmontable. Il peut certes trouver tentant d’effacer unilatéralement sa dette pour se remettre à flot mais ceci aura deux conséquences : 1/ sa crédibilité sur les marchés deviendra nulle, 2/ son taux d’emprunt en cas de besoin sera extrêmement élevé. Or par définition, un Etat au solde primaire négatif aura immédiatement besoin de réemprunter pour payer ses services publics. Cet effacement de la dette, menace ultime pour les investisseurs obligataires, sera totalement inutile et contre-productif.
    • Un Etat B bénéficie d’un solde budgétaire primaire positif et d’un stock de dette insurmontable. Il peut trouver tentant d’effacer unilatéralement sa dette pour se remettre à flot et ceci aura les mêmes conséquences : 1/ sa crédibilité sur les marchés deviendra nulle, 2/ son taux d’emprunt en cas de besoin sera extrêmement élevé. Mais, puisque l’Etat B n’aura plus d’intérêts à payer et passera en solde budgétaire positif, il n’aura pas besoin d’emprunter et pourra donc se couper des marchés financiers sans conséquence particulière dans son fonctionnement. Si cette arme n’est jamais utilisée, elle fut néanmoins souvent avancée, au cours de la décennie 2010, comme une tentation potentielle pour des pays comme le Portugal, qui avait opéré des coupes budgétaires extrêmement lourdes et aurait pu trouver politiquement et socialement légitime d’alléger sa dette pour préserver sa population, devenue exsangue.

Lire la suite



Zoom Invest est la plateforme dédiée aux conseillers en investissements financiers. Ils y retrouvent l’actualité des marchés financiers, des produits, du patrimoine et des acteurs de la Finance. Les informations disponibles sur le site ont un caractère exclusivement indicatif. Elles ne constituent pas une incitation à investir et ne peuvent pas être considérées comme des conseils d’investissements. Elles ne représentent pas non plus des offres de produits ou de services pouvant être assimilés à un appel public à l’épargne, ni à des sollicitations à l’achat ou à la vente d’OPCVM ou de tout autre produit d’investissement. Zoom Invest ne saurait être tenu responsable de toute décision d’investissement fondée sur une information mentionnée sur le site.