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« Les entreprises doivent investir pour s’adapter à la nouvelle donne internationale » (Covéa Finance)

24/06/2025

Les mesures annoncées par la nouvelle administration américaine ne font qu’accentuer les distorsions de concurrence, déjà en formation, entre les zones économiques et les entreprises doivent s’y adapter. Entretien avec Jacques-André Nadal, directeur adjoint des gestions chez Covéa Finance.

Quelle est votre vision du monde à la fin de ce premier semestre 2025 ?

Jacques-André Nadal : Depuis de nombreuses années, nous décrivons un monde moins coopératif, dans lequel le multilatéralisme et le libre-échange sont remis en cause au profit du régionalisme et des quêtes de souveraineté(s) des États. Les États occidentaux s’endettent massivement pour financer des politiques volontaristes visant à se réindustrialiser en ciblant les secteurs de la transition énergétique, les semi-conducteurs et les nouvelles technologies. La concurrence des blocs émergents sur ces secteurs incite chacun à mettre en place ses propres réglementations, normes et barrières à l’entrée qui modifient l’organisation du commerce mondial. Ces évolutions sont par nature inflationnistes, ce qui limite les latitudes des banques centrales et maintient des conditions de financement restrictives.

Le début d’année a été marqué par l’investiture du président Trump. Quelle est votre lecture des impacts des annonces faites par la nouvelle administration américaine ?

J.-A. N. : Ces annonces sont une étape supplémentaire dans ce changement global. Les moyens et méthodes de cette administration peuvent être différents des précédentes, mais les objectifs sont proches. Face à l’essor du rival chinois, l’Amérique, en quête de souveraineté, veut relocaliser les industries stratégiques et favorise une approche bilatérale. Certes, le pays réussissait à croître en accédant aux ressources financières, humaines et naturelles mais au prix de déficits commerciaux et budgétaires générant fragilités et dépendances. Les mesures annoncées pour y remédier ne font qu’accentuer les distorsions de concurrence, déjà en formation, entre les zones économiques. Les entreprises doivent s’y adapter.

Dans ce contexte comment se positionne l’Europe ?

J.-A. N. : La zone euro est confrontée à l’affaiblissement structurel de sa compétitivité, du fait notamment d’une énergie chère et très majoritairement importée. La dégradation des comptes publics et extérieurs limite la flexibilité de nombreux pays tandis que la montée des incertitudes politiques internes affaiblit les initiatives communes. Les annonces récentes de plans visant à stimuler l’investissement en infrastructures et les dépenses en matériels militaires, notamment en Allemagne — qui souhaite également modifier sa règle du frein à la dette — représentent une évolution majeure. Toutefois, l’ampleur des effets de diffusion sur la croissance dépendra de la capacité à répondre aux défis précités.

Quelles conséquences devraient avoir sur les entreprises et donc sur les marchés actions cette nouvelle donne internationale ?

J.-A. N. : Pendant deux décennies, les entreprises multinationales ont profité de l’optimisation des chaînes de production, de débouchés élargis et d’accès à des ressources, y compris financières, abondantes et peu chères. Désormais, elles doivent adapter leurs modèles en investissant fortement afin d’ajuster l’ensemble de leurs chaînes de valeur, alors que le coût de l’argent se renchérit. Pendant cette phase, les trajectoires de chiffres d’affaires et de marges sont plus incertaines, ce qui alimente la volatilité des cours de bourse. Les entreprises, indépendamment de leur capitalisation, dont les capacités managériales et financières permettront de bénéficier des choix stratégiques des États, sortiront renforcées. Les secteurs des ressources critiques (uranium, cuivre, etc.), des infrastructures (transport, énergie, télécommunication), de la défense, ainsi que les leaders technologiques, donnant la possibilité de renforcer les avantages compétitifs et de relocaliser les chaînes de production, sont au cœur de nos choix.

Au regard de ces constats, et au-delà des marchés actions, quelles sont vos convictions pour la deuxième partie de l’année ?

J.-A. N. : Dans ce contexte, les marges de manœuvre des États et des banques centrales seront contraintes, ce qui alimentera la volatilité sur l’ensemble des marchés financiers. Au niveau géographique, les États-Unis conservent de nombreux avantages structurels (prix de l’énergie, capacité d’innovation, etc.) dont pourront bénéficier ses entreprises. Toutefois, la pression baissière sur le dollar restera forte, nécessitant de contenir ce risque. L’Europe devrait certes profiter des plans ambitieux à compter de l’année prochaine, mais leur mise en place est périlleuse, alors que les performances récentes des marchés financiers ont été excellentes. Sur les marchés de taux, la pentification des courbes perdurera en raison des pressions haussières sur la partie longue (inflation, volumes d’émissions et risque politique). Nous en profiterons pour augmenter graduellement la sensibilité des portefeuilles. Le crédit, désormais cher, enjoint à l’exigence alors que les exigences d’adaptation s’élèvent à mesure que les États imposent de nouvelles règles et taxes.

 

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