Si les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine semblent aller vers un peu d’apaisement suite aux dernières annonces de Donald Trump (en date du 23/04/2025), celles-ci restent néanmoins vives, et un contexte d’incertitudes prolongé pourrait finir par peser sur la croissance - ce qui constitue aujourd’hui la principale source de préoccupation...
Points clés
- La période d'avril à juin pourrait connaître un ralentissement en raison des droits de douane, mais les secteurs en lien avec les consommateurs semblent relativement résilients.
- La croissance du PIB chinois au premier trimestre a été meilleure que prévu, indiquant une reprise modérée mais généralisée.
- L'impact des droits de douane américains pourrait être plus limité que par le passé, car la Chine est moins dépendante du marché américain et les entreprises s'adaptent de plusieurs manières.
- Il existe également une marge de manœuvre politique pour soutenir l'économie, avec un recentrage sur la relance de la consommation et une politique monétaire modérément accommodante.
- En avril, un plan d'action conjoint du Conseil d'État et du ministère du Commerce a été annoncé pour développer le secteur des services.
- Des initiatives à plus long terme, telles que l'extension de la couverture des pensions de retraites et de l'assurance maladie, ainsi que des investissements dans les industries innovantes, devraient également être favorables.
- Si davantage d'entreprises chinoises se retirent des bourses américaines, nous assisterons probablement à une poursuite de la tendance vers les cotations à Hong Kong et sur les actions de type A.
- Les mauvaises nouvelles ont déjà été largement prises en compte dans les cours des actions chinoises, et des opportunités pourraient se présenter pour les investisseurs avec une perspective à long terme.
Le timing choisi par le président Trump pour annoncer ses tarifs douaniers a été d'autant moins propice que l'économie chinoise commence à montrer des signes d’embellie. La période d'avril à juin pourrait connaître un ralentissement en raison des frictions commerciales, cependant les secteurs tournés vers la consommation semblent relativement résilients. Ainsi, la croissance du PIB chinois au premier trimestre a été supérieure aux prévisions, ce qui témoigne d'une reprise modeste mais qui s'accélère. La confiance des consommateurs et les ventes au détail se sont également améliorées, avec une augmentation des dépenses dans des domaines tels que la restauration, les articles culturels et sportifs et les meubles.
Entre-temps, le secteur immobilier ne s'est pas détérioré, l'investissement industriel se stabilise et celui dans les infrastructures a légèrement progressé grâce à l'émission anticipée d'obligations par les gouvernements locaux. Cette tendance pourrait se poursuivre au cours des prochains trimestres, surtout après les mesures fiscales annoncées en mars.
Du côté de la production, l'industrie manufacturière affiche une croissance solide, en particulier dans les secteurs de l'automobile, de l'électronique et des équipements de transport, bien qu'une partie de cette croissance soit peut-être due à une accélération en anticipation de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane.
Le spectre des tarifs douaniers n'est pas nouveau
Il est clair que l'impact le plus immédiat des tarifs américains portera sur les exportations chinoises. Cela dit, l'effet plus général pourrait être plus limité que par le passé. La Chine est aujourd'hui moins dépendante du marché américain, ses exportations représentant une part beaucoup plus faible de son PIB.
En réponse, nous pourrions assister à une nouvelle dépréciation contrôlée du yuan afin d'en atténuer l'impact, mais la Chine dispose également d'une certaine flexibilité politique pour soutenir son économie. Elle s'efforce actuellement de stimuler la consommation, de gérer les risques extérieurs par des mesures de relance ciblées et de maintenir une politique monétaire modérément accommodante.
La résilience prévaut également au niveau des entreprises chinoises, qui font face aux tarifs douaniers depuis 2018 et se sont adaptées de plusieurs façons, notamment en réduisant leur exposition aux États-Unis et en augmentant leur production à l'étranger. Elles ont réussi à maintenir leur pouvoir de fixation des prix dans certains secteurs, tels que les climatiseurs, les vélos et les outils électriques, car il n'existe pas beaucoup d'alternatives viables sur le marché américain.
En fonction de la manière dont les autres pays réagiront face à leurs propres droits de douane, certaines entreprises chinoises pourraient même trouver des opportunités de gagner des nouvelles parts de marché au niveau mondial.
Une approche politique dotée d’un objectif double
En termes de politique, les réunions annuelles des “deux sessions” (celles des deux plus hautes instances politiques chinoises) ont clairement montré que le gouvernement est prêt à soutenir la croissance de manière ciblée et mesurée.
Les taux d'intérêt étant déjà bas, l'accent a été mis sur la stimulation de la demande intérieure, notamment par des mesures visant à augmenter les revenus des ménages et à soutenir la consommation. La récente annonce d'un plan d'action conjoint du Conseil d'État et du ministère du Commerce visant à développer le secteur des services s’inscrit dans ce sens. Il s'agit d'une approche intelligente, avec un objectif double, étant donné que la consommation de services soutient la croissance du PIB et crée des emplois.
Des initiatives à plus long terme, telles que l'extension de la couverture des pensions de retraite et de l'assurance maladie, ainsi que des investissements dans les industries innovantes créatrices d'emplois, pourraient également avoir un impact durable sur la croissance. En outre, nous pourrions assister à un soutien plus ciblé du marché immobilier. Les récentes tournées d'inspection du premier ministre Li Qiang suggèrent que de nouvelles mesures d'assouplissement pourraient se profiler à l'horizon.
Cela dit, les décideurs politiques se montrent prudents. Ils éviteront probablement de prendre des mesures de relance à grande échelle et se concentreront plutôt sur le maintien de la flexibilité, étant donné que l'incertitude extérieure, notamment en matière de commerce, reste élevée. Tous les regards seront tournés vers la prochaine réunion du Politburo pour obtenir des orientations plus claires.
Les bourses de la Grande Chine (“Greater China”) pourraient bénéficier des changements de cotation
Du point de vue du marché et de l'investissement, si davantage d'entreprises chinoises sont radiées des bourses américaines, nous assisterons probablement à une évolution continue vers des cotations à Hong Kong et en actions de type A. Ce mouvement de marché a commencé en 2021, et aujourd'hui environ 60% des ADR chinoises (entreprises chinoises cotées en dehors des États-Unis mais négociées sur les places boursières américaines) disposent d’une double cotation, contre 30% il y a trois ans.
Dans le même temps, la bourse de Hong Kong a facilité le processus d’introduction en bourse, et les investisseurs mondiaux peuvent toujours accéder à ces sociétés par l'intermédiaire des marchés régionaux. Cela stimule la liquidité et renforce la région administrative de Hong Kong et de la Chine continentale en tant que centres financiers clés.
Dans l'ensemble, bien que les actions chinoises aient déjà intégré un grand nombre de mauvaises nouvelles et qu'il soit trop tôt pour affirmer que cette période de volatilité soit terminée, des opportunités pourraient se présenter pour les investisseurs avec une vision à long terme.