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Assiste-t-on à un retour de la « vibecession » aux États-Unis ? (Ecofi)

27/05/2025

L'analyse hebdomadaire d'Ecofi en date du 26 mai 2025, par Florent Wabont, économiste.

Les annonces faites par Donald Trump depuis son investiture ont entraîné une chute du moral des ménages américains et une forte augmentation des anticipations d’inflation. Cette situation rappelle étrangement la période ayant suivi la pandémie, où les consommateurs s’étaient montrés particulièrement pessimistes, sans pour autant que cela se soit traduit par une baisse marquée de la consommation. Ce phénomène atypique avait même donné naissance au terme de « vibecession » – combinaison de vibe (atmosphère en français) et de recession (récession) – par la créatrice de contenus Kyla Scanlon.

Dès lors, comment interpréter ces signaux aujourd’hui ?  

La confiance du consommateur américain, mesurée par le biais de l’enquête conduite par l’Université du Michigan, est en nette baisse depuis le début de l’année. Dans le même temps, les anticipations d’inflation à un an ont atteint 7,3%* !         

La crainte principale exprimée par les ménages est simple : une perte de pouvoir d’achat liée à l’inflation potentiellement générée par l’augmentation des droits de douane. L’incertitude et l’imprévisibilité du président américain ne sont pas non plus étrangères à leur peur de perdre leur emploi. Il convient toutefois d’apporter une nuance à ces résultats. Les participants à l’enquête se déclarant comme démocrates sont ceux dont le moral a le plus diminué, tandis que celui des républicains est resté relativement stable ou bien n’a commencé à baisser que récemment. L’inverse était vrai avant l’investiture de D. Trump. Force est toutefois de constater que cette défiance concerne désormais toutes les catégories sociales, alors que les ménages dans les déciles de revenus les plus élevés étaient restés particulièrement optimistes ces dernières années.  

Depuis 2021, la relation entre le ressenti des consommateurs et les données économiques objectives s’est rompue. Les ménages américains ont subi un choc d’inflation conséquent, mais n’ont pas arrêté de consommer pour autant. Dès lors, une question légitime s’impose : s’agit-il d’un nouvel épisode de vibecession ?  

Il y a encore quelques mois, nous pensions que D. Trump se montrerait raisonnable, qu’il ferait preuve de pragmatisme et que l’économie américaine continuerait de croitre sous « haute pression ». Le Liberation Day nous a toutefois prouvé le contraire et ce, même en considérant les concessions et les négociations de ces derniers jours. Le mal est fait et le climat d’incertitude semble pour le moment irréversible. La balance penche actuellement vers un ralentissement de la consommation des ménages et ce, pour plusieurs raisons.

Contrairement aux années précédentes, l’impulsion du soutien budgétaire s’est estompée. Les revenus réels des ménages sont encore en progression, mais cette situation pourrait être mise à mal par la hausse de l’inflation liée aux droits de douane. Cette fois-ci, aucun chèque ne sera versé aux ménages. D’autre part, la cote de popularité de D. Trump est en diminution et les électeurs républicains commencent eux aussi à faire preuve d’une forme de lassitude. Enfin, le marché de l’emploi est aujourd’hui moins tendu et davantage susceptible de se dégrader en réponse à une baisse de la demande. À cet égard, la confiance du consommateur n’est par ailleurs pas la seule à s’étioler. Les petites entreprises américaines se montrent également inquiètes et réduisent leurs intentions d’embauche. Les entreprises du secteur manufacturier signalent, au sein des enquêtes, qu’une baisse de l’investissement est à prévoir. Ajoutons à cela la hausse des taux d’intérêt de marché, sur fond de défiance des investisseurs vis-à-vis de la situation budgétaire américaine et de la politique menée par le D. Trump. Une récession n’est toutefois pas inévitable et quelques éléments invitent à ne pas envisager le pire. Premièrement, car ce sont les ménages les plus aisés qui ont le plus contribué ces dernières années aux dépenses de consommation. Ceux-ci pourraient ainsi absorber plus facilement l’augmentation des prix consentis par les détaillants en réponse à l’augmentation des droits de douane. Deuxièmement, en raison de la composition de la demande. Si les produits importés sont les premiers menacés par une baisse des volumes, la part la plus importante de la consommation comptabilisée au sein du PIB provient des services. A ce titre, les ménages américains n’ont pas encore fait montre d’une réduction marquée de leurs dépenses dans ce secteur. C’est pourquoi à ce stade, la piste d’un ralentissement de l’économie américaine semble la plus plausible, à moins qu’une escalade dans la guerre commerciale ne se produise de nouveau… 

Habituellement, l’atteinte de points bas sur la confiance du consommateur se traduit par des performances positives pour les marchés d’actions sur un horizon de 12 à 18 mois. Les investisseurs parient alors sur un assouplissement de politique monétaire qui viendrait répondre à une forte baisse de la consommation, une baisse des profits et une dégradation de l’emploi. Ici, c’est l’inflexion qui importe et donc la dérivée seconde du mouvement. Seulement, les marges de manœuvre de la Fed sont cette fois-ci limitées. Rien ne dit non plus que les points bas ont été atteints, d’autant que D. Trump a réamorcé ses menaces commerciales à l’égard de la zone Euro, avec l’annonce vendredi dernier de droits de douane à hauteur de 50% pour les produits européens (finalement mis en pause durant le week-end). En outre, la valorisation des actions américaines demeure élevée et reste conditionnée à l’ampleur du ralentissement. Le consommateur américain fera-t-il plier D.Trump ?  

 *Correspond à la médiane des réponses du panel de consommateurs interrogés.



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